Diversité Linguistique et Culturelle dans le Cyberespace

Irene Amodei, Sarah Webborn, Spanish translation Tahona
12 novembre 2006

"La langue est le medium qui permet tous les échanges suscités par la société de l'information. La langue est un medium fondamental de toute communication, le fondement grâce auquel les individus et les collectivités s'expriment que ce soit sous la forme d'une tradition orale ou d'un texte écrit."
Mesurer la Diversité Linguistique sur Internet,  Institut des Statistiques de l'UNESCO

Si nous admettons la position de l'UNESCO que "l'éducation numérique est un component essentiel de la transition à une Société de l'information inclusive", il devient évident qu'une telle éducation devrait remplir le critère éthique fondamental du respect pour la diversité culturelle et linguistique, et ainsi éviter l'ethnocentrisme et le colonialisme implicite des technologies.

Le monde numérique devrait-il fournir un environnement favorable pour le plus grand nombre de langues? Devrait-il assurer une vraie inclusion digitale de toutes les langues? Certains vont plus loin et prétendent même que le choix de communiquer dans sa langue maternelle pourrait aussi être considéré comme un droit fondamental. L'anglais est la lingua franca mondiale et représente 72% des pages web, surtout à cause de l'orientation politique et commerciale des télécommunications et des fabricants d'ordinateurs et des autorités qui régissent l'Internet. Est-ce que le fait que l'anglais soit dominant sur le web signifie que l'uniformité gagne sur la diversité?

Le débat sur le futur des langues sur la toile est énorme, polémique et loin d'être résolu. Si quelqu'un fait remarquer le besoin de créer des ponts de navigation entre les langues dans l'espace numérique, raisonnant, comme Claudio Menezes, Senior Specialist du Programme, que "d'un côté, les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) - courrier électronique, SMS, télé, téléphone, fax, sites web, blogs, listes d'abonnés, messagerie instantanée, bases de données, etc. - peuvent être un instrument pour la communication entre des communautés linguistiques différentes ; de l'autre côté, (elles) peuvent aussi être un facteur de renforcement de la marginalisation des langues dans le cyberespace" d'autres répondent que la conservation de langues en danger n'est pas un problème que devraient résoudre les TIC, parce qu'une "langue qui n'a que peu de valeur n'est que peu utilisée, et une langue peu utilisée a peu de valeur."

Reliant les problématiques des TIC au thème de la diversité culturelle et linguistique pour construire ce que l'UNESCO appelle une "Société de l'information inclusive où la richesse des cultures que la diversité représente sera préservée" ouvre, cependant, des perspectives à des réflexions qui sont liées mais souvent sous-estimées.

Toutes ces questions ont été cruciales pour la mise en place du Réseau Mondial pour la Diversité Linguistique (RMDL), une initiative qui a commencé dans le contexte du Sommet Mondiale sur la Société de l'Information à Tunis en Novembre 2005. La mission du RMDL est de promouvoir la diversité linguistique comme fondement de l'unité de la communication humaine, engageant dans ce processus continu la société civile, les gouvernements, les organisations internationales, les centres de recherche, les universités et les médias.

ICVolontaires est récemment devenue le secrétariat officiel du RMDL, en collaboration avec Linguamón -- Maison des Langues de Barcelone. Ce nouvel engagement témoigne de la participation historique d'ICVolontaires comme facilitateur du multilinguisme. En mobilisant des interprètes et des traducteurs aussi bien que des personnes polyglottes pour les conférences à but non lucratifs, séminaires et évènements qui seraient autrement monolingues, tels que le  International Master of Advanced Studies in Development  ou les Conférences sur les Mines antipersonnel, ICVolontaires contribue à la diversité linguistique, en participant à des initiatives liées aux langues et en apportant son expertise technique dans le domaine.

Marcel Diki-Kidiri, coordinateur du plan d'action du RMDL, croit que "le progrès technologique rend possible l'invention d'une nouvelle architecture qui rendrait l'Internet à la fois inclusive et pleinement multilingue. C'est l'option proposée par l'équipe du projet du Forum Technique Multilingue, une équipe ad hoc du RMDL." Du point de vue de Diki-Kidiri, la fragmentation géographique de l'Internet est un fait, mais pas une fatalité. Il fait remarquer "qu'on peut choisir de s'assurer que la toile reste unie, soit en créant des ponts entre ses fragments ou en construisant un concept beaucoup plus puissant du Réseau comme un espace participatif distribué basé sur l'utilisateur final. Dans un tel système, chaque utilisateur peut employer sa propre langue pour entretenir sa propre relation avec le monde des TIC." Il part du principe qu'il serait possible d'utiliser les deux solutions techniques disponibles dans l'intérêt de la démocratie.

Pendant une conférence organisée à l'Université de Vienne le 20 octobre 2006 Adama Samassékou, Président de l'Académie Africaine des Langues (ACALAN) et Président de la Fédération ICVolontaires, a souligné le rôle irremplaçable que jouent les langues maternelles de différents peuples pour garantir leur autonomisation en tant que citoyens actifs, leur permettant d'être des acteurs à part entière de leur propre développement. Il a, en outre, souligné l'importance des langues comme instrument pour le développement de l'Afrique, où plus d'un tiers des 6000 langues humaines sont parlées. Il a encouragé les dirigeants africains à créer un environnement favorable "où les populations ont accès aux connaissances scientifiques et technologiques dans des langues qu'ils peuvent réellement comprendre." Selon M. Samassékou, l'Internet est un instrument précieux aussi bien pour la documentation que pour l'utilisation active des langues. Pourtant, seulement quelques-unes des 2300 langues parlées en Afrique sont actuellement présentes sur la toile. Ceci est un fait que la Société de l'information peut soit accepter et assumer ou bien débattre et questionner.

Un des principaux objectifs du RMDL est précisément de placer quelques-unes de ces questions sur l'agenda du développement et de servir comme plateforme d'échange et organisme facilitant des projets liés aux langues, comme par exemple l'étude liée à l'utilisation des langues dans le cyberespace africain, coordonnée par l'Observatoire de Langues du Japon. Dans le cadre de ce projet, un séminaire qui a eu lieu du 26 au 28 juin 2006 à Bamako, au Mali, a regroupé des chercheurs d'Afrique, d'Asie et d'Europe, partageant les bonnes pratiques liées aux instruments linguistiques utilisés et utilisables pour l'inventaire des langues africaines dans le cyberspace. Des chercheurs francophones ainsi que non francophones ont participé aux séminaires. Afin de rendre les échanges d'information possibles, ICVolontaires-Mali a mobilisé des interprètes travaillant du et vers le français et l'anglais lors de cet évènement de trois jours. Un des moments phares du séminaire était la présentation de logiciels et d'outils linguistiques développés par Dr. Virach Sornlertlamvanich du Laboratoire Linguistique Informatique Thaïlandais (http://www.tcllab.org/virach/). Ces outils facilitent la documentation des langues du monde et constituent des outils pour la traduction assistée par ordinateur de langues non indo-européennes.

Les évènements tel que celui organisé à Bamako permettront aux chercheurs d'échanger des informations et bonnes pratiques à travers le Réseau Mondial pour la Diversité Linguistique. Le premier plan d'action ayant été mis au point, le Réseau prépare actuellement son calendrier pour 2007, bâtissant le Réseau plus solidement, surtout en impliquant des représentants de gouvernements intéressés. Les organisations fondatrices du RMDL sont convaincues que l'Internet peut améliorer plutôt que compromettre les langues utilisées par un nombre relativement limité d'usagers. L'objectif du Réseau est la bonne utilisation de l'énorme potentiel qu'offre Internet pour l'utilisation active de langues, en augmentant, par exemple, le nombre de sites bilingues ou multilingues et en étudiant des logiciels ou solutions informatiques qui facilitent l'écriture de langues autres que l'anglais et leur utilisation régulière et continue dans le cyberespace.

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